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Le Soir : Théâtres: vers plus de parité et de transparence dans les directions

Ce mardi passe au vote un nouveau décret sur les directions dans les arts de la scène. Objectif : amener plus de parité et de transparence dans les recrutements des futurs responsables d’institutions. Malgré des avancées bienvenues, le décret élude encore des points sensibles.

Certains lieux comme le Théâtre de la Balsamine ont anticipé sur les décisions à venir en mettant en place un processus de sélection novateur et transparent qui a mené à la nomination d’Isabelle Bats et Mathias Varenne. - Hichem Dahes.

Publié le 12/11/2021 à 16:55

Temps de lecture: 7 min


Mardi prochain, un projet de décret sur les procédures de recrutement aux fonctions de direction des arts de la scène sera soumis au vote en commission au Parlement. Avec ce texte, la ministre de la Culture, Bénédicte Linard (Ecolo), entend changer les pratiques dans les grandes institutions culturelles francophones du pays, en réponse notamment à certains scandales ces dernières années, aux revendications d’associations féminines, mais aussi à des études régulières sur les disparités de genre dans les arts de la scène. Citons par exemple les travaux de la Deuxième Scène ou ceux de l’UCLouvain au niveau européen (voir nos éditions du 7 mars 2021). Preuve que l’accent de ce décret est surtout mis sur la parité, il s’est construit en concertation avec des acteurs de terrain spécialisés dans ces thématiques, entre autres l’Institut pour l’égalité des hommes et des femmes, les collectif F(s) ou Scivias (engagés pour une meilleure représentation des femmes dans la culture) ou le Conseil des femmes francophones de Belgique. La fédération des employeurs des arts de la scène a aussi été consultée.
Ce décret s’appliquera aux gros opérateurs culturels, c’est-à-dire ceux recevant une subvention d’au moins 400.000 euros ou ceux qui bénéficient d’au moins 200.000 euros et d’une infrastructure mise à disposition par la Fédération Wallonie-Bruxelles. « On a choisi de se concentrer sur les opérateurs majeurs en arts de la scène », explique la ministre Linard. « Ce décret sur les directions concerne aussi cinq opérateurs qui n’étaient pas repris dans le décret des arts de la scène : le Botanique, les Halles, les Doms, Mons 2025 et l’Espace Magh. » Notons que les centres culturels ne sont pas concernés par ces nouvelles mesures même si la ministre confirme qu’elle est attentive aux mêmes problématiques dans ce secteur. Nous avons décortiqué ce texte dont voici les points clés.

Une limitation des mandats

Première grande avancée, le décret prévoit de limiter à un mandat de cinq ans, renouvelable une fois, les directions générales ou artistiques. Si cette ambition existait déjà depuis la législature de Fadila Laanan, elle ne fut pas portée par Alda Greoli et il aura fallu attendre 2021 pour qu’elle soit finalement concrétisée en obligation, même s’il persiste encore des dérogations. Cette limitation ne s’appliquera qu’aux nouvelles vacances de postes de direction, les directeurs et directrices actuels ne sont donc pas concernés. Ensuite, ceux et celles qui ont fondé leur lieu sont exclus de toute limitation et peuvent rester en poste jusqu’à leur retraite. Enfin, si le ou la responsable est proche de la retraite, il ou elle peut continuer un troisième mandat partiel jusqu’à la pension.

Une procédure inclusive de sélection

Autre progrès, le projet de décret impose de nouvelles contraintes aux procédures de recrutement. Les descriptions de postes de direction doivent être rédigées de manière inclusive et publiées notamment auprès d’organisations œuvrant pour l’égalité entre les femmes et les hommes au sein des politiques culturelles. Si aucune candidature « du sexe le moins représenté » n’est collectée, la procédure est prolongée d’au moins quatre semaines. Le gouvernement se charge de publier des statistiques pour identifier quel est le sexe le moins représenté au sein des directions. Les paris sont ouverts mais il reste fort probable qu’il s’agira pour quelque temps encore du sexe féminin. Cadre légal oblige, la notion de sexe prévaut encore sur celle de genre, ce qui exclut encore dans les communications officielles les affiliations non-binaires.

Un jury paritaire

La sélection des heureux élus se fera par un jury composé d’un nombre égal de femmes et d’hommes. « C’est très important », insiste la ministre. « Dans le cinéma par exemple, on a observé qu’avoir des jurys et des commissions d’avis paritaires amène plus de femmes dans les projets retenus. » Sur base des dossiers, le jury devra auditionner une pré-sélection de candidats, parmi laquelle devra se trouver au moins un candidat ou une candidate du sexe le moins représenté. Soulignons qu’un collectif peut tout à fait candidater à condition d’être composé de personnes physiques. Le jury procédera ensuite à un classement final, communiqué au conseil d’administration qui prend la décision formelle.
Si ce C.A. décide de s’écarter du classement proposé par le jury, il devra motiver cette décision. Dans tous les cas, le C.A. communique sa décision à tous les candidats. Par contre, le décret ne dit rien de la diversité des conseils d’administration. « Ce qui régit les C.A., c’est la liberté associative », nous répond la ministre. « Il y a des choses à revoir dans le décret sur la gouvernance, c’est sûr, notamment sur la place du politique dans les C.A. mais on avance un étage à la fois. Par ailleurs, tout ne se règle pas au ministère de la Culture. On a déjà travaillé sur les instances d’avis, le conseil supérieur de la Culture, etc. Il reste d’autres aspects sur lesquels on doit avancer. » Pour les plus grosses institutions, celles recevant au moins un million d’euros, ou celles dont les recettes dépendent à plus de 60 % des subventions, le gouvernement s’invite dans la procédure comme observateur mais sans voix délibérative.

Pas de quotas

La ministre aurait pu faire des choix plus radicaux et imposer des quotas à la direction des institutions. « Je ne suis ni anti, ni pro-quotas », confie Bénédicte Linard. « C’est un outil parmi d’autres, qui peut être utile par moments mais, dans ce cas-ci, utiliser des quotas aurait impliqué d’aligner tous les opérateurs en même temps alors que nous avons décidé de faire s’appliquer le décret au fur et à mesure des nouvelles vacances de postes. »

Une incitation à se former, notamment à la dimension de genre

Les institutions devront décrire dans leur rapport annuel comment les directions artistiques et générales ont suivi des formations sur la gestion des ressources humaines et comment celles-ci ont inclus la dimension de genre. « Ces formations peuvent avoir un vrai impact. Dans le cinéma, encore une fois, former ceux qui donnent les avis, comme nous l’avons fait, induit moins de biais inconscients liés à la question du genre. Des outils sont disponibles mais nous souhaitons laisser les opérateurs autonomes. »

Une évaluation à la mi-mandat

Les C.A. devront évaluer vers la mi-mandat la manière dont les directions artistiques et générales ont mis en œuvre leur projet initial. Outre le paradoxe de demander à un organe de décision, le C.A., qui lui n’est soumis à aucun critère de parité ou de sensibilisation à la diversité, d’évaluer les directions, notamment sur ces dimensions, on peut regretter que cette évaluation à mi-mandat et les rapports annuels ne comprennent aucune obligation de bilan chiffré de parité par exemple. On aurait pourtant pu y prévoir des grilles précises sur la répartition hommes / femmes dans les programmations ou l’allocation des moyens financiers.

Un contrôle des activités artistiques annexes

On se souvient que des cas comme celui de Fabrice Murgia, dont la compagnie a été programmée au Théâtre National sous sa propre direction du lieu, ont parfois suscité des interrogations. Pour clarifier cela, le décret prévoit qu’un directeur ou une directrice peut conserver des activités dans le secteur des arts de la scène en complément de son mandat de direction. Mais dans ce cas, les volumes de production, d’accueil et autre support pour ces activités personnelles doivent être précisés au début du mandat.

Pas de sanctions mais d’autres leviers

En général, le décret ne prévoit aucune sanction, mais la ministre indique que d’autres leviers existent pour assurer la bonne collaboration des institutions : « Je pense que l’incitation a du sens. La société a changé, les esprits sont plus ouverts. Et puis, il y a la question des contrats-programmes qui arrivent. Si l’on voit qu’une obligation n’est pas rencontrée, on peut remettre en question des contrats-programmes. »

Un angle mort : la diversité

La ministre admet que le décret n’aborde pas les questions de la diversité sociale ou culturelle : « C’est vrai que ces questions ne sont pas régies par le décret. Mais la diversité de genre et le renouvellement amèneront de la diversité artistique. On travaille aussi par ailleurs à ces questions. L’autre outil pourrait aussi être celui des contrats-programmes. » C’est clairement une question sur laquelle il faudra revenir dans le futur.
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